A day like any other (Willie, Pansy)

Le métier d'agent de police est fait de routine, c'est vrai. Bien souvent, derrière leurs bureaux respectifs, Andrea et Pansy passent le temps en remplissant de la paperasse, que nul ne lira jamais. Elles répondent au téléphone, préparent des dossiers, boivent du café en bien trop grandes quantités. Ce matin-là était bien parti pour être du même acabit, mais jamais ni l'une, ni l'autre, ne manquent d'entrain.
Pour Andrea, ce poste a toujours représenté bien plus qu'une simple profession, destinée à l'occuper et la nourrir. Il s'agit d'une histoire de famille, une vocation, pratiquée avec une ferveur et une conviction inébranlables, presque comme on applique minutieusement des préceptes religieux.
Ce matin-là, donc, un appel retentit dans les bureaux, rapidement pris en charge par le shérif, sous les regards interrogateurs de ses deux adjointes. Il raccroche. « Toutes les deux, vous filez au lycée. Le proviseur a découvert de la drogue et veut, je cite, démanteler un trafic. Je pense qu'il exagère... Mais tenez-moi au courant. »

Le deuxième ce mois-ci... La nouvelle lubie du proviseur de Blackwood High est, semble-t-il, de convoquer quelques élèves dans son bureau, leur faire passer un interrogatoire quasi-militaire, et en l'absence (pas vraiment surprenante) de réponses, d'appeler les bureaux du shérif pour faire régner la loi. « C'est parti... » ironise Andy en attrapant son manteau et son badge sur son bureau.

Partenaires depuis quelques temps maintenant, Andrea et Pansy n'ont jamais été particulièrement proches ; suffisamment néanmoins pour supporter la compagnie l'une de l'autre, et partager quelques moments de moquerie quant au nouveau shérif. Cela n'était pas pour déplaire à Andy, qui n'avait de cesse de ruminer son affectation au poste d'adjointe. Elle s'évertuait, depuis l'arrivée de son nouveau patron, à le ridiculiser par tous les moyens.

Le lycée est à deux pas du commissariat, et c'est à pieds qu'elles se rendent dans ces locaux qu'elles ont fréquenté, à quelques années d'écart. Elles entrent dans le bureau, et voient un jeune homme patienter, penaud. « Voici Willie McBride, » l'introduit le proviseur en les faisant entre dans son bureau. « Mr. McBride, je vous laisse en compagnie de Mrs. Applecombe et Hewitt. » il ferme la porte, les laissant tous les trois.

Andy s'assoit en première, face à l'adolescent. « Bon.» elle croise les bras, visage fermé. « Tu sais pourquoi tu es là ? » Elle aborde un air qui semble dire, on ne va pas y passer la journée.

T’avais vraiment cru que cette journée serait aussi normale que possible. Mais, tu t’étais trompé sur toute la ligne. Oh, pas que les cours avaient été différents, non. Pas que les rires n’avaient pas résonné. Non. Mais par contre, tu n’avais pas pensé finir là. Tu n’avais d’abord pas vraiment compris quand on était venu te chercher en plein cours pour aller chez le proviseur. Parce qu’en soit, t’avais rien fait. Vraiment. Rien d’interdit en tout cas. Enfin, tu ne pensais pas. Mais, en entrant dans ce bureau et en voyant le visage de cet homme. Tu t’étais vraiment dit qu’il avait l’air de te haïr. Mouvement d’épaules discret. Finalement, ça ne faisait qu’une personne de plus. Encore. Coup au cœur, t’as mal. Mal de comprendre que peut-être, jamais personne n’arriverait à t’apprécier. Vraiment.

Puis t’asseoir, te mordiller les lèvres et attendre. Tu ne savais quoi. Parce qu’il ne t’avait pas adressé un mot. Non, pas un seul. Jusqu’à les voir arriver. Les deux femmes. Flics d’après leurs uniformes. Oh. Là, vraiment, t’étais paumé. Parce que tu voyais vraiment pas ce que tu faisais-là, avec deux flics….comme dans un interrogatoire. Et, ça semblait en être un. Surtout, quand une des femmes commença à parler. Oh. Willie, t’es paumé et tes grands yeux fixes la dame en clignant un peu bêtement. « Eh bien, je ne crois pas madame. » Une de tes mains glisse dans ta nuque. Un peu anxieux. Révélant par la même, sous ton col roulé, le bleu violet qui remonte légèrement le long de ta mâchoire. On t’a un peu malmené en début de semaine. Mais, t’es persuadé que ce n’est pas pour ça. Jamais personne ne s’est inquiété pour ça avant. La main retombe, le col se replace alors que tes doigts se mettent à tirer ici et là, le tissu de ton pull et de ton pantalon. Tu ressembles à un petit garçon. Les sourcils froncés pour essayer de comprendre. « Ai-je fait quelque chose de répréhensible ? »

Et tu relèves légèrement la tête pour regarder la personne face à toi comme celle qui se tient à ses côtés. C’est bien la première fois que tu les vois. Mais, d’un autre côté, tu viens d’arriver ici. Et, tu n’as jamais vraiment eu à faire à la police. Alors, c’est sûrement normal. Puis, l’espace d’un instant, ton regard capte le ciel bleu par la fenêtre, et, Willie, tu t’y perds quelques secondes, minutes. T’en sais trop rien. Petit sourire aux lèvres alors que tu commences à réfléchir à la carte des étoiles que tu dessines. Il te reste pas mal de constellations à trouver, à replacer. Ici, ce n’est pas tout à fait dans le même sens qu’à New-York, alors il faut que tu recommences un peu depuis le début. Mais, ça te plaît. Et tu passes des heures et des heures dans le froid de l’hiver à fixer l’immensité qu’est le ciel. Sursaut. Tu clignes des yeux. T’as t’ont parlé ? « Pardon ? »