Depuis quand vivez-vous à Blackwood ? Si vous y vivez depuis toujours, avez-vous déjà quitté la ville ?J'y suis née, y ai grandi, et ne l'ai jamais quittée, bien que l'idée m'ait souvent traversé l'esprit. Mais Blackwood c'est chez moi, malgré tout. Je connais cet endroit comme ma poche, dans ses moindres recoins.
Que pensez-vous de votre vie ici ?Je ne peux pas dire que j'apprécie profondément mon quotidien à Blackwood, mais je ne le déteste pas non plus. Ca n'a pas toujours été le cas. Au lycée, je n'avais qu'une envie, c'était fuir le village. Mais j'ai été rapidement rattrapée par mon obligation de poursuivre le travail mené par mon père en tant que shérif, et j'ai décidé de rester. Désormais, je me dis surtout que ça pourrait être bien pire, et que malgré tous les défauts que je trouve encore à cette ville et ses habitants, je n'y suis pas si mal.
Quelle est votre place dans la communauté de Blackwood ?Evidemment, en tant que fille de shérif, née et élevée ici, et aujourd'hui adjointe, on peut dire que j'ai une petite réputation au sein de la commune. Tout le monde me connaît, mais je ne pense pas pouvoir dire que l'on ait une bonne image de moi. Oh, cela m'importe peu, d'ailleurs. Certains me qualifient d'ermite, de vieille fille, de lesbienne. Tout ça parce que je ne suis pas mariée comme toutes les autres de mon âge, que je suis rarement vue en compagnie d'hommes et que je met un point d'honneur à ne pas assister à tous les événements stupides qui sont organisés à Blackwood, fête des moissons en tête. L'enfer sur terre.
Quelle est ou quelle était votre réputation au lycée ?Oh, au lycée, j'étais une vraie calamité. Pire qu'aujourd'hui, si vous voulez ; je suis passée de l'autre côté. A l'adolescence, je me prenais pour une vraie rebelle. Je répondais aux profs en pensant mieux savoir qu'eux, séchais les cours... Je pense qu'un certain nombre d'enseignants passés par Blackwood High se souviennent de moi. Je n'ai par contre jamais touché aux drogues ou à l'alcool en grandes quantités, parce que j'ai toujours redouté de perdre le contrôle. Une crise d'adolescence en bonne et due forme, donc, mais jamais de délinquance. De toute façon, j'avais bien trop peur de mon père pour ça.
Croyez-vous en l'existence d'événements paranormaux ? Si oui, en avez-vous déjà fait l'expérience ?Toutes ces histoires de surnaturel... Ca me fatigue. Je passe mon temps à raisonner les touristes en mal de sensations fortes et les journalistes à l'affût du premier potin venu, et maintenant que les habitants semblent vouloir s'y mettre, à commencer par ma mère. Elle ne cesse de nous rebattre les oreilles d'apparitions de mon père dans ses rêves et que sais-je encore. Mais non, je n'en ai jamais fait l'expérience, et pour une raison que je pense très simple : cela n'existe pas.
Avez-vous un rêve ou un cauchemar récurrent ?Je fais souvent ce cauchemar dans lequel je cours, je cours sans fin sur une route déserte aux environs de Blackwood, et quand enfin en arrive l'issue, j'arrive face à un lac, je saute dedans. La surface du lac devient un plafond, et je finis immergée dans toute cette matière aqueuse, sans possibilité de sortie. Puis je me réveille.
Quel est le dernier rêve que vous avez fait ?Je crains que mon dernier rêve en date ne présente pas un grand intérêt. J'étais au Diner avec mon frère Dallas et ma collègue Pansy, en train de critiquer les agissements du shérif. La routine.
✩ Under a sky full of stars.TROIS MARS MILLE NEUF-CENT CINQUANTE-SEPT ;
Non ma fille, tu n'iras pas danser.
Elle est née dans la nuit. Il neigeait tout autour de vous, tu sentais les flocons se poser sur le bout de ton nez gelé alors que vous gagniez la voiture. Vous rouliez à toute vitesse vers l'hôpital de Durand sur des routes verglacées. Dans le véhicule, ton père te le répétait sans cesse, comme une leçon que tu devais apprendre par cœur
« Tu vas avoir une petite sœur, Andrea ». Toi tu l'écoutais, parce que tu l'as toujours écouté. Mais tu ne saisissais pas encore l'ampleur de ce qu'il t'annonçait, même en tournant cette phrase dans tous les sens que ta petite tête pouvait bien concevoir. Du haut de tes quatre ans, tu savais ce que c'était d'avoir un grand frère, Dallas, l'e héros absolu de l'enfant que tu étais - et il le resterait encore longtemps. Mais une fille, un bébé, tu ne parvenais à l'imaginer.
Jusqu'à ce moment où tu l'as rencontrée, dans la chambre de l'hôpital, dans les bras de ta mère. Là, tu as compris. Quand elle ne s'est pas tournée vers toi pour te regarder entrer, concentrée sur l'enfant qu'elle venait de mettre au monde. Quand ton père s'est jeté sur elle, ému aux larmes. Toi, tu es restée là, à côté de ton aîné, pour qui la situation n'avait rien de nouveau : tu étais venue avant elle, avant Jolene, le nouveau centre de toute l'attention parentale. Tu n'as jamais réussi à partager ça avec elle, trop douce, trop belle, trop parfaite, tandis que tu t'évertuais à garder l'attention de l'homme de ta vie - ton père - de toutes les manières possibles.
VINGT-HUIT JUIN MILLE NEUF-CENT SOIXANTE DOUZE ;
Pourquoi pas toi.
Vous êtes maintenant tous les quatre à la maison. Ça fait quelques temps déjà que Dallas n'est plus là, laissant une chambre vide et un trou béant dans ton cœur. Il est parti, décidé à quitter cette famille qui, selon lui, n'en a que le nom tant les sentiments y sont faux. Tu as envie d'être d'accord avec lui, et tu l'es parfois : quand ta mère te reproche ta tenue trop sombre et ton maquillage trop noir, quand ton père te sermonne pendant des heures et quand Jolene revient encore de l'école avec les félicitations de son enseignante, alors que toi, la seule chose que tu montres à tes parents en fin de journée, c'est un mot de ton professeur de maths signalant ton manque d'assiduité. C'est le dernier jour de l'année scolaire, et surtout ton dernier jour à Blackwood High. Bientôt, tu n'auras plus à te lever le matin pour voir les visages de tous ceux que tu n'aimes pas. C'est ce que tu penses, alors que tu prends ton petit-déjeuner - céréales et jus d'orange, comme tous les jours, il te semble, depuis que tu es née - à la table familiale. En vitesse, tu avales ton repas, attrape ton sac à dos et quitte les lieux, abandonnant tout un chacun à ses occupations. Toi, tu as décidé qu'aujourd'hui serait le premier jour du reste de ta vie. Tu as postulé à une université loin d'ici, pour étudier la criminologie ; tu aimerais travailler pour le FBI. Tu as toujours admiré le travail de ton père, mais tu as besoin de respirer, et cette ville, cette vie, t'étouffent. En cours tu es ailleurs, et alors que la cloche sonnent les vacances d'été tant attendues, tu cours chez toi. Une enveloppe t'attend sur la table. Tu vois qu'elle a été ouverte et soigneusement refermée, et décoche un regard noir à Vivian, ta mère, que tu sais coupable. Les lettres apparaissent, noir sur blanc, dans une typographie froide et austère : c'est un refus. Tu t'effondres sur ta chaise, et pour une fois, tu sens ta mère retenir un commentaire grinçant dont elle a pourtant une maîtrise parfaite. Tu peux dire adieu à tes espoirs, ils sont réduits à néant. A la rentrée, ce sera l'Université du Comté, comme tous ceux dont tu souhaitais voir disparaître les rictus et les visages.
DOUZE JANVIER MILLE NEUF-CENT QUATRE VINGT-TROIS ;
Un téléphone sonne et ton monde s'écroule.
La sonnerie insistante d'un téléphone, qui ne semble jamais s'arrêter. Stridente, elle serre ton cœur, parce que tu sais déjà et tu ne veux pas entendre. C'est finalement un de tes collègues qui répond, pétrifiée que tu es, derrière ton bureau. Tu fixes l'interlocuteur, l'objet, indistinctement. Tu as compris, tu t'y attendais. Ton père était hospitalisé depuis deux semaines maintenant, diagnostiqué pour un cancer en phase terminale. Ses chances de s'en sortir étaient infimes, voire inexistantes, mais tu n'as jamais voulu entendre. Aujourd'hui, ça te frappe de plein fouet, sans te laisser le choix. Tu vois l'agitation dans le bureau du shérif, où tu travailles en tant qu'adjointe auprès de ton père, dont tu vas certainement devoir reprendre le poste, comme tous les Hewitt l'ont fait avant toi : tu seras la première femme shérif à Blackwood depuis bien longtemps.
Peu de temps plus tard, deux semaines peut-être, tu reçois un autre appel, et comme à chaque fois que retentit son cri, tu sens l'ensemble de ton corps se crisper. Mais tu réponds.
« Madame Hewitt ? Je vous appelle pour vous annoncer l'arrivée d'un nouveau shérif, dans la semaine, pour remplacer Monsieur votre père. » Tu inspires un grand coup et tu raccroches. C'est la dernière déception que tu auras causée à ton père, te dis-tu : briser la lignée des shérifs Hewitt à Blackwood.
✩ Falling masks.PSEUDO/PRÉNOM › Mariko
PRÉSENTATION PERSONNELLE › Reine de ces lieux, si vous voulez mon affection sachez que j'aime le beurre de cacahuètes, dormir, le cinéma et la raclette, me jugez pas.
FRÉQUENCE DE CONNEXION › quotidienne en semaine, plus inconstante le week-end!
AVATAR › Alicia Vikander bb.
COMMENT AVEZ-VOUS CONNU LE FORUM ? › Quand le cerveau de Léa et le mien sont entrés en fusion.
MOT DE LA FIN ›