Dis moi ce que tu penses, de ma violence, de mon adolescence. - Sasha

“Il est grand temps de rallumer les étoiles” & Il fait n'importe quoi en ce moment, mais comme disent tous les grands philosophes, "j'ai remarqué que dans l'fond du fond, bah y'a pas d'fond." Honnêtement c'est pas un philosophe qui a dit ça, c'est un de ses oncles qui a dit ça une fois. Ces temps ci, il y pense souvent, à cette réplique.
Il a touché le fond au moment où s'est pris cette gamelle à vélo. Depuis, tout part à volo.
Il est au coeur d'un étrange entremêlement de sentiments, de désir, de violence et d'ardeur avec deux mecs, aussi beaux que perturbants. Aussi violents que plaisants.
Il touche le fond parce que ses parents savent qu'il sort parfois, la nuit, parce que la clé n'est pas exactement là où ils l'ont déposé le soir. Qu'ils lui ont fait des remontrances, qu'ils ne peuvent pas prouver qu'il est parti. Parce qu'il est fort pour soutenir des mensonges, pour soulever des montagnes quand il s'agit de tenir tête à ses parents.
Il essaie de ne plus sortir la nuit, c'est mauvais pour les coeurs de la famille Darwin, les pauvres ils ont une fils en carton, qu'est-ce qu'il peuvent faire d'autres.
Il a donné rendez-vous à Sasha ce dimanche après-midi, il aurait voulu la nuit, pour plus de tranquilité, mais tant pis. Il a choisi le cimetière, quitte à lui faire peur, autant aller jusqu'au bout. Il a glissé le mot dans son casier, il l'a vue le lire, ils ont échangé un bref regard. Ouai un regard, c'est à peine s'il ose croisé le sien.
Il a bien trop honte pour ça.

Rendez-vous dimanche
au cimetière,
à 17 heures,
près de la tombe de
Mgr Christopher Whishaw.
J'ai ton whiskey.

Ce dimanche après-midi, pour une fois, il ne pleut pas. Les jours s'allongent, et à 17h, le soleil décline très lentement. Il y a de jolies lumières dorées qui dansent dans les arbres, alors qu'il pédale à toute vitesse. Il a écouté le conseil du shérif, donné il y a quelques mois, il n'écoute plus de musique en roulant. En revanche, il continue de pédaler à toute vitesse, comme s'il avait le diable à ses trousses. Il regarde autour de lui pourtant, il n'y a que quelques voitures, qui l'ignorent, évidemment.
Il arrive au cimetière, laisse son vélo à l'entrée, qu'il attache avec son antivol autour d'un arbre. Il  avance doucement, après avoir passé la grille grinçant et gelée. Il fait encore un peu froid, un peu trop froid. Il n'a que sa veste en jean sur le dos, qui n'est plus trempée. Il avance de tombe en tombe, il garde son sac à dos bien coincé sur ses épaules. Il trouve la tombe de Monseigneur Christopher Whishaw.
C'est la plus grande et la plus belle du cimetière. C'est la tombe du premier évêque du comté, qui était originaire de la nouvellement créée, petite bourgade de Blackwood. Tout le monde connait son histoire. Lui il l'a oubliée. Il est certain que Sasha la connait.
Il s'assoit à l'intérieur, il y a un banc, qui sert normalement à la famille, pour se recueillir. Evidemment, il n'y a plus de famille. Il y a du lierre partout, et, en baissant les yeux, il voit une canette, et une capote usagée.
Il promet que jamais de sa vie il ne s'enverra en l'air dans un cimetière.